Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins du 28 janvier 2000 Docteur Aline MARCELLI
Le “ secret médical ” est une des composantes d’une entité définie comme “ le secret professionnel ”, un des fondements de notre société démocratique, parce qu’il préserve l’espace de liberté de chaque citoyen vis-à-vis de la collectivité.
Ce sujet a suscité de nombreuses controverses tant il est vrai qu’il existe un équilibre subtil entre l’intérêt particulier et l’intérêt public, que le professionnel doit savoir discerner dans le respect des dispositions législatives et réglementaires.
L’ambiguï té du débat repose sur le fait que ce terme de secret professionnel recouvre une réalité complexe qui résulte, à la fois, de la diversité des professions concernées et de leur spécificité déontologique.
L’accessibilité à l’unicité de la notion de secret peut emprunter deux voies bien différentes : celle de l’adhésion à une morale commune, celle de la soumission à la pression exercée de façon drastique par le droit pénal.
La voie la plus douce, est le recours à l’étymologie : secretus, en latin, a pour origine le verbe secernere qui signifie – séparer de, isoler de – ce qui marque la frontière entre soi et autrui – ce qui évoque cette nébuleuse de l’intime, de la pensée, de l’imaginaire, cet espace caché dont chacun ignore l’étendue et la profondeur, ce champ clos où se mêlent le conscient et l’inconscient ; c’est en deux mots “ le for interne ” des moralistes qui font alors une distinction avec “ le for externe ” quand la parole vient traduire la pensée. Le Littré définit le secret comme une confidence qui impose le silence aux personnes dépositaires du secret, notamment aux professionnels de santé. Selon le Robert, il s’agit “ d’un ensemble de connaissances, d’informations, réservées à quelques-uns et que le détenteur ne doit pas divulguer ”.
C’est à ce niveau qu’interviendront le professionnel, gardien privilégié de cette valeur incontestée mais souvent convoitée et le juge, son vigilant défenseur qui, par la seconde voie, plus abrupte, la répression, lutte contre les assauts de plus en plus prégnants de la société. En effet, le monde moderne est sans cesse plus avide d’informations, recherche la levée d’un nombre croissant de secrets au nom de ce concept nouveau de la “ transparence ” qui s’impose grâce aux moyens accrus et souvent incontrôlables de la communication.
Cette analyse abordera, dans une première partie, les éléments constitutifs communs au secret médical et aux différents autres secrets professionnels et, dans une seconde partie, les éléments distinctifs du secret médical assurant sa spécificité et sa prééminence par rapport à la plupart des autres secrets professionnels avant de conclure sur leurs limites respectives.
1 – LE SECRET, NORME COMMUNE AUX ÉTHIQUES PROFESSIONNELLES
La morale commune, lorsqu’un secret a été confié, incite celui qui a reçu la confidence à agir avec discrétion, prudence et délicatesse.
La règle juridique est plus formelle : “ C’est une obligation de se taire et un droit au silence ”.
La concision de cette formule, proposée par Jean-Louis Beaudouin (1), permet ainsi de restreindre le débat à l’essentiel : le devoir du professionnel de garder “ le mystère du secret ”(2), quel que soit son objet, et en corollaire, le droit de la personne – cette légitime exigence de protéger contre toute intrusion l’intimité de sa vie privée – qu’il s’agisse de sa santé, de son honneur, de sa famille et de ses biens.
En effet, cet effort de synthèse est d’autant plus fondamental dans ce domaine que les facettes du secret sont multiples et que la diversité “ des confidents nécessaires ” agissant dans l’exercice de leurs professions, elles-mêmes régies par des éthiques professionnelles différentes, est importante.
1.1- Le pluralisme des secrets
La notion de secret, comme nous l’avons rappelé précédemment, paraît simple dans la mesure où il s’agit de tous faits, ou de toutes choses confiées qui doivent demeurer cachés. La complexité survient dès que l’on envisage la variété des secrets qui est telle que la liste serait trop longue pour les citer tous. On ne peut en donner que quelques exemples : le secret de la confession, le secret du patient, le secret de l’instruction, le secret du délibéré, le secret de fabrication, le secret militaire, le secret bancaire…. sans parler du secret d’État.
Mais, dès à présent, n’est-il pas utile de nuancer notre propos initial sur la notion de secret pour analyser des caractéristiques communes à ces secrets professionnels si divers ?
Est-il toujours nécessaire qu’il y ait une confidence ?
L’objet du secret, ou le fait, ou la chose à protéger, doivent-ils être dans tous les cas de figure, portés délibérément à la connaissance du professionnel dans le cadre du “ pacte de confidentialité ” établi avec son interlocuteur ?
Or, dans la pratique, il est bien des circonstances où la vie intime peut être discernée, révélée, à l’insu de l’intéressé, grâce à l’expérience et à la compétence du professionnel. Les exemples sont nombreux. Ainsi :
– le médecin découvre, grâce à un examen clinique et un bilan biologique et radiologique complet qui vont lui permettre un diagnostic précis, l’explication de symptômes cliniques méconnus par son patient.
– l’avocat, par sa perspicacité, découvre la culpabilité de son client. De même, il peut arriver que, contre le gré de l’intéressé, certains faits soient dévoilés, c’est le cas de l’action menée par les services sociaux, les services fiscaux ou … les services de police !
1.1-1 – C’est la raison pour laquelle il est possible d’envisager une première caractéristique commune au secret médical et aux autres secrets professionnels.
Le dogme de la confidence, considéré comme le socle sur lequel repose la totalité des secrets professionnels s’inscrit dans une perspective élargie et inspirée de la morale imposant le devoir de réserve.
Sur ce socle est érigé un édifice destiné à garantir le respect de la vie privée et l’ordre social. La conservation des secrets privés privilégie le droit public de liberté.
Mais comment peut-on trouver des frontières précises à ce qu’il est coutume d’appeler “ la sphère de la vie privée ” ?
L’intime apparent, c’est la personne physique ; sa conscience, son honneur, sa dignité appartiennent, par essence, à l’intimité ; la situation familiale et sociale s’y trouve reconnue ; qu’en est-il de la situation financière ? La relation avec l’argent est-elle incluse dans la vie privée ? Le problème reste à débattre bien que l’on sache les implications et les conséquences des révélations dans le domaine des affaires – sur la vitalité des sociétés et la vie des actionnaires d’une entreprise – par les délits d’initiés par exemple. On pourrait également évoquer ici le problème de la transmission du patrimoine.
Mais il est nécessaire de rappeler, au niveau européen, l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule : “ Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée ” et au niveau national, en France, l’article 9 du code civil qui précise : “ Chacun a droit au respect de sa vie privée ”.
1.1-2 – Ces deux articles nous permettent d’appréhender une autre caractéristique commune aux secrets professionnels
La finalité commune des secrets professionnels est de garantir les droits de la personne privée et de préserver les intérêts de l’ensemble du corps social.
Respecter la dignité et la liberté de chaque citoyen c’est effectivement, assurer en même temps la bonne marche des institutions et de l’État, par la confiance que l’on peut, ainsi, leur accorder.
1.1-3 – La troisième caractéristique commune s’appuie sur des dispositions législatives, réglementaires et sur des décisions jurisprudentielles, tant judiciaires qu’administratives. Il s’agit de :
L’interdiction de divulguer à des tiers une information, par la personne qui en est détentrice, et dont elle a eu connaissance dans l’exercice de sa profession.
Cette règle a subi un certain nombre d’aménagements, répondant à un faisceau de nécessités, soit par des dispositions législatives imposant ou autorisant des dérogations, soit par pragmatisme, compte tenu de l’obligation de faire circuler l’information dans l’intérêt même de la personne concernée : il est facile dans ce cas de donner des exemples :
– le secret partagé des médecins ;
– le secret partagé des avocats ;
On relève à ce propos les dispositions de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiées par la loi du 7 avril 1997 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires : “ en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, les notes d’entretien et plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. ”.
1.1-4 – Une autre caractéristique commune doit être soulignée
Quel que soit l’objet du secret et quel que soit le statut du professionnel concerné, et sauf circonstances exceptionnelles, celui-ci ne peut se dégager, seul, de la charge du secret.
Pour la chambre criminelle de la Cour de Cassation, “ cette obligation établie pour assurer la confiance nécessaire à l’exercice de certaines professions ou de certaines fonctions, s’impose aux médecins, comme un devoir de leur état ; qu’elle est générale et qu’il n’appartient à personne de les en affranchir ”.
C’est une position de principe qui s’applique aux différents secrets et aux différentes fonctions (Cass.Crim. 8 mai 1947 Cass. Crim. 22 décembre 1966 ; Cass. Crim. 27 juin 1967 – Cass. Crim. 5 juin 1985, Cass. Crim. 8 avril 1998).
1.1-5 Mais il existe une autre caractéristique commune entre le secret médical et tous les autres secrets professionnels dont la divulgation est réprimée par le code pénal. Celui-ci prévoit, en règle générale, que parmi tous les éléments constitutifs d’une infraction, doit figurer, obligatoirement, l’intention coupable.
Or, il faut souligner que :
Pour la violation du secret professionnel, l’intention coupable est inutile.
Deux arrêts de principe du 9 mai 1913 et du 27 juin 1967 de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation l’ont établi : “ Le délit existe dès que la révélation a été faite, avec connaissance, indépendamment de toute intention spéciale de nuire. ”
L’élément moral de l’infraction consiste en la volonté du détenteur du secret de le révéler en toute connaissance de cause ; la violation du secret professionnel reste un délit intentionnel.
1.1-6 – Enfin, la dernière caractéristique commune qu’il est nécessaire de citer car elle est valable pour tous les secrets professionnels :
Le respect du secret ne cesse de s’imposer même après la mort.
2. – LA DIVERSITÉ DES PROFESSIONS ASSUJETTIES AU SECRET
2.1 – La liste de ces professions est aussi dense que celle de la variété des secrets mais ceux-ci ne dépendent-ils pas de la qualité de celles-là ?
On y trouve notamment :
Le prêtre, les professionnels de santé, les magistrats et les auxiliaires de justice, les agents du Ministère des finances, les avocats, les policiers, les officiers ministériels comme les notaires, les inspecteurs et les agents de caisses de Sécurité Sociale, les agents des Douanes, des Postes et télécommunications, les journalistes constituant une catégorie particulière, nous y reviendrons.
Dans le cadre de cette réflexion, il est indispensable de comparer les deux textes successifs du code pénal :
– L’article 378 de l’ancien code pénal : “ Les médecins, chirurgiens, et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes de secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où les lois les obligent ou les autorisent à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets seront punis… ”.
– L’article 226-13 du nouveau code pénal (loi du 22 juillet 1992, en vigueur depuis le 1er mars 1994).
Article 226-13 : “ La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état, ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie de ….. ”
Ce nouveau texte comme nous l’avons souligné précédemment, fait référence au professionnel “ dépositaire du secret et non plus au “ confident ” et vise toutes les professions qui ont le privilège d’accéder aux secrets de la vie privée. ”
Ces professionnels ont reçu cette charge de la conservation des secrets et leur nombre ne cesse de croître par la volonté du législateur et par l’effet de la jurisprudence.
Les professionnels libéraux sont ainsi concernés de même que des catégories de plus en plus nombreuses de personnes exerçant dans la fonction publique, compte tenu du développement sans cesse grandissant de l’emprise et du contrôle de l’État dans la vie de la nation : telles par exemple les institutions d’État de justice, de police, douanes, télécommunications, l’administration fiscale. Il en est de même pour tous les organismes de protection sociale.
Comme nous l’avons présenté pour les variétés de secrets, il est aussi possible de classer ces diverses professions selon des caractéristiques communes :
2.1-1 Leur nombre limité est une des premières caractéristiques.
Il faut souligner que :
La conservation des secrets privés concerne des professions déontologiquement constituées, en nombre restreint.
Dans nos sociétés modernes, le principe dominant est la liberté, en matière professionnelle, on parlera de la liberté du commerce, de l’industrie, de la liberté de circulation des personnes, des biens et des services.b Il existe certes, des réglementations pour toutes les activités humaines mais le nombre de professions auxquelles est imposé le secret professionnel est, cependant, relativement restreint par rapport à l’ensemble des professions.
Certains professionnels sont, alors, astreints à cette obligation du secret dont ils ne peuvent être déliés. Ils sont prisonniers de ce devoir d’état. Ils agissent, en conformité avec l’éthique, sans avoir d’intérêt personnel autre que de servir le bien commun.
2.1-2 La seconde caractéristique est fondamentale Les faits doivent être connus dans l’exercice de la profession Le délit de violation du secret professionnel suppose nécessairement que les faits révélés concernent une personne liée à titre professionnel avec l’auteur de la révélation.
Une révélation faite par une toute autre personne ne pourra donc pas faire l’objet de poursuite du chef de violation du secret professionnel.
Par exemple, un médecin révélant qu’un de ses patients est atteint de telle maladie est justiciable de poursuites pour violation du secret.
Mais, la révélation de ce même fait par un tiers – qui aurait obtenu par ailleurs cette information – ne tombe pas sous le coup de la violation du secret professionnel.
A cet égard, il est utile de se référer à nouveau au texte déjà cité de l’ancien article 378 du code pénal qui réprimait la violation du secret médical en le comparant aux termes du nouvel article 226-13 qui l’a remplacé.
Certes, les deux textes ne sanctionnent que la révélation des secrets concernant les “ clients ” des professionnels astreints au secret, à l’exclusion des tiers.
Mais, la rédaction du nouvel article 226-13 diffère de l’ancien article 378 puisqu’elle ne précise plus qu’il doit s’agir des “ secrets qui leur ont été confiés ”.
Ce nouveau texte sera-t-il interprété de façon plus limitative ou plus extensive que le précédent ?
La jurisprudence et le code de déontologie médicale avaient tout deux conçu un champ d’application plus étendu à tout ce qu’un des professionnels tenus au secret avait pu constater, découvrir ou déduire personnellement en raison de son état, de sa profession ou de sa mission.
Il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce point et il faudra attendre qu’une jurisprudence confirmée s’établisse à la suite de plusieurs autres arrêts rendus par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation.
2.1-3 – La notion de transparence
Définir la notion de “ transparence ” est un problème ardu car il traite d’une approche incertaine de la recherche de la vérité obtenue grâce à la circulation de l’information. Le secret professionnel, dans son principe, est en opposition avec la notion de transparence.
2.1-4 – Une autre caractéristique peut donc être discutée car elle soulève de nombreux problèmes
Les professions astreintes au secret pourraient constituer un rempart contraire à la transparence.
Mais il s’agit d’un rempart théorique et fragile.
Il résiste face :
– aux développements des moyens mis à disposition pour favoriser la circulation de l’information ;
– à la multiplicité des fichiers et à l’interconnexion de certains d’entre eux.
Il disparaît face au pouvoir d’investigation des organismes de régulation et de contrôle. Il se dilue grâce à la multiplicité des intervenants.
De plus, il est admis depuis longtemps que l’intérêt de la justice, intérêt public, doit être placé au-dessus de la notion de secret professionnel. C’est ainsi que des perquisitions et des saisies peuvent être effectuées par un juge d’instruction sans que le professionnel puisse s’y opposer. Les prérogatives de ce magistrat lui ont été attribuées par l’article 81 du code de procédure pénale et ne souffrent aucune restriction (C.A. Paris, 3ème Ch.acc. – 5 novembre 1997).
Par ailleurs, comme le secret n’est pas opposable à la personne concernée, celle-ci peut parfaitement, si elle le désire, diffuser elle-même l’information.
C’est la raison pour laquelle dans de nombreuses circonstances, le secret de l’instruction, par exemple, se trouve dévoilé.
Nous n’aborderons pas ici le problème difficile de la propriété des secrets. Une controverse permanente existe entre ceux qui estiment que le sujet-source de l’information est le propriétaire du secret et ceux qui considèrent que le vrai propriétaire est celui qui le reçoit dans la mesure où il en dispose, en conscience, dans l’intérêt même de celui qui le lui a confié. L’exemple du médecin est particulièrement démonstratif et la revendication du malade à l’accès direct à son dossier concrétise sa volonté d’une appropriation qu’il considère comme légitime.
Pour conclure cette première partie, on peut constater que, malgré leur diversité, les secrets professionnels présentent de très nombreux points communs.
C’est la raison pour laquelle l’idée de les fusionner pouvait paraître séduisante. C’est ainsi que Maître Jean-Marc Varaut(3) avait été chargé par M. Jacques Toubon, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, d’étudier cette possibilité pour l’ensemble des professions juridiques.b Maître Varaut avait relevé la similitude des caractéristiques de ces professions, dont la déontologie prévoit des qualités d’indépendance, d’honneur, d’humanité, de probité, de dignité et de délicatesse.
Il avait été ainsi amené à proposer la création d’un code des professions judiciaires et juridiques et l’institution d’un Haut Conseil de ces professions. Le débat reste ouvert dans le cadre des réformes de la justice, actuellement envisagées ce qui démontre l’existence de l’interprofessionnalité de la confidentialité.
3 – LES ÉLÉMENTS DISTINCTIFS DU SECRET MEDICAL
L’intangibilité du secret médical a traversé les siècles. Certains des serments solennels dont il fait l’objet sont restés gravés dans les mémoires tels que, 400 ans avant Jésus-Christ, le serment d’Hippocrate, Maître de l’Ecole de Cos, au 16ème siècle, le serment ou plutôt la proclamation d’Amatus Lusitanus, au 18ème siècle, le serment de Montpellier, rédigé par le doyen de cette faculté en ces termes : “ Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me sont confiés ”. En 1761, il était mentionné sur toutes les thèses de médecine à Paris comme à Montpellier la vieille formule agréée par le Parlement : “ Aegrorum arcana, visa, audita, intellecta eliminet nemo ”, – que personne ne divulgue les secrets des malades, ni ce qu’il a vu, entendu et compris -(4).
Cette tradition s’est perpétuée de nos jours. L’Association médicale mondiale, lors de son Congrès de 1948, a proclamé le serment dit “ de Genève ” ; en France, le Conseil national de l’Ordre des médecins a adopté le nouveau texte du “ serment médical ” le 18 octobre 1995.
3.1 – La prééminence du secret médical
Le secret médical occupe une place privilégiée parmi les secrets professionnels. Il s’impose dans l’intérêt du patient.
Le médecin, dans son exercice, porte atteinte à la sphère de la vie privée la plus intime à laquelle accèdent rarement les autres professionnels.
Il intervient alors que le patient, fragilisé par la maladie, se trouve particulièrement vulnérable.
Le patient, lors de l’interrogatoire sur ses antécédents pathologiques, confie des données qui concernent non seulement sa vie personnelle mais aussi sa vie familiale et sociale.
Lors de l’examen clinique, le malade dévoile son intimité physique et se soumet à tous les examens complémentaires nécessaires pour orienter le diagnostic et obtenir les meilleurs soins.
Le patient confie ainsi au soignant ce qui compte le plus pour chacun d’entre nous, sa santé et parfois sa vie.
La qualité de la relation médecin-malade se fonde sur le respect de la confidentialité qui intègre obligatoirement le principe de la primauté de la personne.
Les citations sont aussi nombreuses qu’éloquentes pour démontrer la valeur emblématique du secret médical :
– Noël Fiessinger : “ C’est le premier des devoirs du médecin ” ;
– Pasteur Vallery-Radot : “ Le secret professionnel est la pierre angulaire sur laquelle s’est édifiée la morale médicale ” ;
– Raymond Villey : “ L’essentiel du secret tient pourtant en un mot : que ne soit pas trahie la confiance du malade. ” ;
– André Gouazé : “ Le secret professionnel… est un symbole : le symbole du respect que le médecin doit avoir pour son malade. Il appartient à une certaine idée de la médecine qui suppose la liberté du malade, l’indépendance du médecin dans ses décisions, la responsabilité personnelle. ” ;
Bernard Hoerni dans une formulation plus pragmatique et plus complète rappelle à la fois l’indispensable compétence et la valeur du secret : “ En somme, il n’y a pas de soins de qualité sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret. ” ;
3.2 – Sa spécificité
Dans le cadre du rapport de la Commission de réflexion sur le secret professionnel appliqué aux acteurs de soins, présidé par Louis René, François Gazier, Conseiller d’État, a présenté les cinq sources de droit distinctes mais convergentes qui fondent la règle du secret médical(5).
3.2-1 – Le code pénal : articles 226-13 et 226-14
3.2-2 – Le code de la santé publique, annexe IV, professions médicales et auxiliaires médicaux. Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale (J.O. du 8 septembre 1995) 1310 Dalloz 1997 :
article 4 : principe et définition du secret médical,
article 35 : information du patient,
article 51 : immixtion dans les affaires de famille,
article 72 : secret du personnel médical, correspondance professionnelle,
article 73 : protection des documents médicaux,
article 76 : certificats médicaux,
article 95 : exercice salarié de la médecine,
article 104 : médecine de contrôle,
Il est à souligner que le secret médical reste préservé quelle que soit la subordination administrative du médecin concerné.
C’est le cas par exemple des médecins conseils des organismes d’assurance maladie, des médecins de contrôle, des médecins salariés (PMI, médecins du travail, médecins scolaires…) conformément aux articles 95 et 104 du code de déontologie médicale cités cidessus, consacrant leur indépendance professionnelle.
3.2-3 – Le code de la Sécurité Sociale : l’article L.162-2 précise : “ Dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix, la liberté de prescription, le secret professionnel…
3.2-4 – Les contrats passés par les médecins pour l’exercice de leur profession sont soumis aux Conseils départementaux pour vérification de leur conformité avec les statuts-types qui imposent d’insérer des clauses sur l’obligation du secret professionnel et ses modalités d’application.
3.2-5 – La jurisprudence, rappelée précédemment par les arrêts des deux hautes Assemblées, le Conseil d’État et la Cour de cassation, établit le caractère général et absolu du secret médical dont les seules dérogations sont prévues par la loi.
3.2-6 – A ces cinq sources de droit s’ajoutent les principes d’éthique médicale européenne dont l’article 7 : “ le médecin est le confident nécessaire du patient. Il doit lui garantir le secret total de toutes les informations qu’il aura recueillies et des constatations qu’il aura opérées lors de ses contacts avec lui.
Le secret médical n’est pas aboli par la mort du patient.
Le médecin doit respecter la vie privée de ses patients… ”.
3.3 – Caractéristiques propres du secret médical
La société contemporaine est avide d’informations et la “ transparence ”, comme nous l’avons déjà souligné, est une notion à la mode. Connaître “ la vérité ” est une vertu démocratique proclamée par les journalistes qui exercent ainsi vis-à-vis de l’État un rôle de révélateur et de censeur, en ne se préoccupant pas de garder d’autres secrets que celui de leurs sources d’informations. Ainsi, savoir et faire savoir légitime tous les assauts portés contre les secrets professionnels et, notamment, contre le secret médical. C’est une revendication au nom du bien commun, une force antagoniste à celle qui consiste à protéger, dans l’intérêt de chaque concitoyen, son “ jardin secret ”, le “ mystère de sa vie privée. ”.
L’attaque peut être d’autant plus insidieuse qu’elle peut provenir de professionnels, soit assujettis eux-mêmes au secret, soit tenus au devoir de réserve, ce qui selon leur propre analyse, les autoriserait, par voie de conséquence, à avoir accès au secret médical.
De plus, le nombre de dérogations légales est élevé : une des plus récentes résulte de la loi n° 99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. Le champ d’application du secret médical s’amenuise ainsi peu à peu, ce qui semble le rétrograder au niveau d’un secret relatif.
3.3-1 – Or, un élément distinctif du secret médical établi par la jurisprudence est que : L’obligation du secret médical a un caractère général et absolu, ce qui interdit toute révélation à un tiers, même s’il s’agit d’un professionnel, lui aussi assujetti au secret.
Il est de principe que la publicité n’est nullement indispensable pour que le délit de violation du secret professionnel soit constitué.
La révélation n’est pas, en effet, synonyme de divulgation publique. La jurisprudence est constante en la matière.
La communication reste pénalement répréhensible alors même qu’elle aurait été adressée dans la stricte intimité, à une personne unique celle-ci fut-elle tenue, elle-même, au secret professionnel (Cour d’Appel de Paris, 1er mars 1935 – D.H. 1935-256). Dans le même sens, il faut citer un arrêt du Conseil d’État des 4ème et 1ère sous-sections, 23 avril 1997.
De même, un arrêt récent de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 8 avril 1998, rappelle, une fois de plus, que :
“ L’obligation au secret professionnel, établie par l’article 226-13 du code pénal, pour assurer la confiance nécessaire à l’exercice de certaines professions ou de certaines fonctions, s’impose aux médecins, hormis les cas où la loi en impose autrement, comme un devoir de leur état ; que sous cette seule réserve, elle est générale et absolue. ”.
Il résulte très clairement de cet arrêt que la communication d’un secret professionnel et, notamment d’un secret médical, à une personne, elle-même tenue au secret professionnel, n’étant pas prévue par la loi, est formellement interdite sous peine de poursuites pour violation du secret médical ou professionnel.
3.3-2 – le médecin et la justice
Le secret médical s’impose devant le juge.
Ce que le médecin a pu connaître à l’occasion de soins donnés ne peut lui être demandé en témoignage devant la justice. Interrogé ou cité comme témoin de faits connus de lui dans l’exercice de sa profession, il doit se présenter, prêter serment mais refuser de témoigner en invoquant le secret professionnel.
L’article 434-1 du code pénal, relatif aux entraves à la saisine de la justice, reprend les dispositions de l’article 62 de l’ancien code mais excepte de ses dispositions : “ les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13 ” donc notamment les médecins.
Dans l’état actuel des textes, la règle du secret doit être opposée aux demandes irrégulières de renseignements médicaux. Seule, la saisie judiciaire du dossier, selon les règles procédurales, peut permettre au magistrat de disposer des renseignements nécessaires à la justice.
Par contre, conformément à l’article 226-14, 1er alinéa du code pénal, le médecin est autorisé à informer les autorités ou à témoigner dans les affaires de sévices à enfants, mais il doit faire preuve de prudence et de circonspection.
L’hospitalisation peut permettre d’organiser la protection de l’enfant et d’alerter les services sociaux (article 64 du code de déontologie médicale). Il en est de même pour les personnes âgées pour lesquelles le médecin est autorisé à effectuer les mêmes démarches, à moins qu’il ne décide également, comme autre recours, de la faire hospitaliser. Conformément au 2ème alinéa de l’article 226-14, avec l’accord de la victime, le médecin peut être amené à porter à la connaissance du procureur de la République les sévices et les violences sexuelles qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession.
3.3-3 – Il est utile cependant de noter une exception :
– celle du médecin expert : contrairement au médecin traitant qui tombe sous le coup de l’article 226-13 du code pénal, l’expert chargé par la justice de donner un avis technique (nouveau c. proc. Civ. – art. 232 à 248 ; c. proc. Pén. Art. 156 à 169-1) a pour mission de rendre compte de ses constatations médicales à l’autorité judiciaire qui l’a commis. De ce fait “ si la loi punit les révélations indiscrètes d’un médecin, ces dispositions ne sauraient s’étendre aux révélations provoquées par la justice, le devoir légal du silence ne pouvant être par elle imposé à celui qui a reçu le mandat de s’expliquer sur toutes les observations que l’accomplissement de sa mission l’amène à faire pour éclairer la justice. ” (Affaire dite du pentothal – Trib.corr. Seine 23 février 1949 – D.1949 – 287 note R. Vouin – D.1949 chronique 105 ; Sirey 1950-2-149 – note Légal) encore faut-il que ce médecin soit expert judiciaire et non médecin d’une compagnie d’assurances. Ce sujet est largement développé dans le rapport de Robert Saury “ Déontologie médicale et expertise ”, Conseil national de l’Ordre des médecins – décembre 1999.
Ces remarques, concernant le devoir de témoigner en justice, correspondent à la distinction effective liée, d’une part, à la qualité des professionnels assujettis au secret, et, d’autre part, au caractère absolu ou relatif de ce secret.
3.3-4 – Comparaison avec les autres secrets absolus ou relatifs
En effet, la loi et la jurisprudence s’accordent pour établir une double classification du secret professionnel selon qu’il est absolu ou relatif(7).
Sont absolus les secrets : des ministres du culte, des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes, des avocats, des magistrats eux-mêmes et d’une façon plus générale, de tous ceux qui, d’une manière habituelle ou temporaire, rendent la justice, tels les jurés, les juges des tribunaux de commerce, les conseillers prud’hommes et les assesseurs des tribunaux paritaires.
Par opposition à cette notion de secret absolu, les autres secrets sont dits relatifs c’est-à-dire non opposables à la justice ou à une catégorie d’enquêteurs qui ne cesse d’étendre son action, comme par exemple les agents de l’administration fiscale qui vient d’obtenir l’accès aux fichiers de la sécurité sociale et les agents des douanes.
On peut citer dans cette seconde catégorie un grand nombre de fonctionnaires, tels ceux des postes et télécommunications, des administrations financières, des fonctionnaires de police et de gendarmerie, de l’armée – autrefois baptisée “ la grande muette ” -, des services du contrôle économique, de l’inspection du travail, des caisses de Sécurité Sociale…
Parmi les personnes également tenues au secret relatif, on relève encore, et la liste n’est pas exhaustive, les notaires et officiers publics et ministériels, les agents de change, les commissaires aux comptes, les experts-comptables …
Il faut signaler, cependant, que les notaires sont autorisés à garder un secret absolu pour les faits qui leur ont été révélés sous le sceau du secret, dans l’exercice de leur ministère, indépendamment de leur appréciation personnelle quant à l’importance des révélations en cause.
Le banquiers sont soumis, conformément à la loi du 24 janvier 1984, dans son article 57, au secret relatif “ Le secret bancaire… ne peut être opposé à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale… ”. La violation du secret professionnel n’est justifiée que si les renseignements sont demandés par un juge d’instruction ou par les services de police agissant sur commission rogatoire de ce magistrat.
Il faut encore noter que le secret des journalistes donne lieu à des controverses passionnées quand il touche à la divulgation de leurs sources d’informations.
Enfin, on doit indiquer que presque tous les fonctionnaires, non astreints à un secret relatif, sont tenus à une obligation de réserve conformément aux dispositions du statut général des fonctionnaires. Cette obligation de réserve diffère de celle concernant le secret relatif en ce qu’elle est établie dans l’intérêt de l’administration, et non des administrés, qu’elle peut être levée par le ministre compétent et qu’elle n’est sanctionnée que sur le plan disciplinaire et non par le code pénal.
3.3-5 – Une autre caractéristique propre au secret médical doit être citée et concerne les alinéas 2 et 3 de l’article 35 du code de déontologie médicale.
Cet article concrétise le fait que le secret n’est pas opposable au malade puisque le médecin doit, tout au long de sa maladie, lui donner “ une information loyale, claire et appropriée… ” A ce propos, il est intéressant de rappeler cette réflexion de Montaigne : “ Il ne faut pas toujours dire tout car ce serait sottise, mais ce que l’on dit, il faut que ce soit tel qu’on le pense. ”. Mais, et c’est ici un autre élément distinctif par rapport aux autres secrets professionnels : “ Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave… ” (1er alinéa – article 35).
“ Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection mais les proches doivent en être prévenus sauf exception… ” (2ème alinéa – article 35).
L’obligation d’informer la famille et les proches n’est prévue par le code de déontologie médicale que dans les cas suivants :
le malade hors d’état d’exprimer sa volonté (art.36),
le cas du mineur ou de l’incapable majeur (art.42),
le cas où il est envisagé un acte portant atteinte à l’intégrité corporelle (art. 41). Ces deux alinéas sont largement développés dans les commentaires du code de déontologie médicale ainsi que dans l’ouvrage de Bernard Hoerni et Michel Bénézech sur le secret médical(8).
3.3-6 – Une dernière caractéristique porte sur le secret partagé des médecins Ce concept qui n’a aucune base légale ou réglementaire s’oppose au caractère général et absolu du secret médical. Il s’est imposé, dans la pratique quotidienne, afin d’assurer la qualité et la continuité des soins. La révélation partielle des informations médicales confidentielles est admise pour les médecins, appelés à donner des soins au même malade. Par extension, elle s’applique aussi aux médecins des organismes de Sécurité Sociale pour permettre aux assurés sociaux le remboursement des prestations médicales.
Dans l’intérêt du malade, avec son consentement, les échanges d’informations entre soignants doivent se limiter aux données nécessaires, pertinentes et non excessives. Chacun des praticiens informés sera tenu au secret.
4. LES LIMITES RESPECTIVES DES SECRETS PROFESSIONNEL
Les secrets professionnels, absolus ou relatifs, sont encadrés par un dispositif juridique précis alors que la discrétion, la délicatesse, la confidentialité relèvent de règles morales. Cependant leur finalité est identique : il s’agit de respecter l’intimité de la vie privée.
Les professionnels astreints au secret, s’interposent entre l’individu et la société. L’État, par les organismes de contrôle, agit pour la collectivité en imposant des limites à ce véritable contre-pouvoir. Ces limites sont juridiquement établies.
Par ailleurs, la société contemporaine se prévaut du droit à l’information et les transformations de “ l’univers médiatique ” dans le temps et dans l’espace, en un demi-siècle, lui permettent de satisfaire cette exigence.
Les progrès de la médecine, des sciences et de la recherche, de l’informatique ajoutent de nouvelles extensions à ce désir de connaissance, s’opposant ainsi aux champs d’application des secrets professionnels.
4.1 – Comme nous l’avons déjà indiqué, aucun secret relatif ne peut être opposé à la justice ou à certaines administrations.
Toutefois, si l’on considère les témoignages en justice, le magistrat doit vérifier si la preuve qu’il a obtenue est, ou non, valable et si le témoin n’est pas soumis au secret absolu : si les faits dévoilés sont secrets, le témoignage est écarté. Il en est ainsi des certificats et des documents médicaux produits en justice par des tiers : ils sont écartés car forcément obtenus au moyen d’une violation du secret.
Le secret médical peut être opposé à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale.
Cet obstacle peut néanmoins être levé par les pouvoirs d’investigations du juge d’instruction, grâce aux perquisitions ou aux saisies.
Mais, à ce propos, rappelons que l’article 96 du code de procédure pénale impose au juge “ de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense. ”
En matière civile, le secret médical constitue un “ empêchement légitime ” opposable au juge. On relève cependant que les juridictions civiles ont retenu le témoignage (certificat) du médecin lorsqu’il constituait la seule preuve possible de faire valoir les droits de l’intéressé. La jurisprudence est constante à cet égard.
4.2- En ce qui concerne plus spécialement le secret médical, la loi restreint son champ d’application par toute une série de dispositions.
4.2-1 – Le rôle du médecin expert a déjà été exposé dans la seconde partie de ce texte.
4.2-2 – La loi prévoit un certain nombre de dérogations. Certaines ont un caractère obligatoire, d’autres permettent aux médecins de faire état des informations qu’ils détiennent sans encourir les sanctions prévues par l’article 226-13 du code pénal.
A) Les dérogations obligatoires
Déclaration des naissances (art.56 code civil),
Déclaration des décès (art. L.2223-42 code des communes),
Déclaration des maladies contagieuses (art. L.11 code de la santé publique),
Déclaration des maladies vénériennes (art. L.257 et L.260 code de la santé publique),
Certificat d’internement (art. L.333 à L.351 code de la santé publique),
Alcooliques présumés dangereux (art. L.355-2 code de la santé publique),
Incapables majeurs (art. 490 du code civil, art. L.327 code de la santé publique),
Accidents du travail et maladies professionnelles (art. L.441-6 et L.461-5 code de la Sécurité Sociale),
Pensions militaires d’invalidité (loi du 3 avril 1955),
Pensions civiles et militaires de retraite (art. L.31 code des pensions),
Indemnisation des personnes contaminées par le VIH à l’occasion d’une transfusion (art. 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d’ordre social Déclaration du dopage des sportifs (Loi n° 99-223 du 23 mars 1999).
B) Les autorisations légales
Mauvais traitements infligés à des mineurs de 15 ans ou à une personne incapable de se protéger (art. 226-14 code pénal),
Sévices permettant de présumer des violences sexuelles de toute nature (art.226-14 code pénal),
Évaluation d’activité des établissements de santé (art.710-6 code de la santé publique – décret n° 94-666 du 27 juillet 1994),
Recherches dans le domaine de la santé (loi n° 95-548 du 1er juillet 1994 modifiant la loi n°78-17 du 6 janvier 1978),
Accès au dossier hospitalier (art. L.710-2 code de la santé publique, art. L.162-30-1 code de la Sécurité Sociale) par les médecins de l’IGAS, les médecins inspecteurs de la santé et les médecins conseils de sécurité sociale.
4.3 – Une limitation commune à tous les autres secrets professionnels doit être soulignée. Lorsque le dépositaire d’un secret professionnel est attaqué en justice, on ne saurait lui interdire de révéler des faits couverts par ce secret si leur connaissance est indispensable pour qu’il puisse se disculper des accusations portées contre lui.
Par exemple, un médecin a pu s’exonérer d’une accusation d’escroquerie et se défendre devant la justice en établissant qu’il avait été victime d’une machination frauduleuse qui l’avait amené à délivrer un certificat inexact (Cass. Crim. – 20 déc. 1967 – 309. Note Lepointe).
Mais les révélations faites par le médecin doivent être strictement limitées aux besoins de sa défense.
Face à cet ensemble de restrictions croissantes et successives, il convient de veiller au maintien inexpugnable du secret médical, qui est, au surplus, régulièrement consacré et conforté par les tribunaux, afin qu’il demeure une des bases de l’éthique professionnelle au même titre que la liberté de choix du malade et l’indépendance du médecin.
BIBLIOGRAPHIE
1. et 2. Beaudoin : Secret professionnel et droit au secret dans le droit de la preuve. Etude de droit québécois comparé au droit français et à la Common Law – L.G.D.J. 1965
3. Frison-Roche : Secrets professionnels Ed. Autrement – Essais, Paris 1999
4. Varaut et L. Ruet : Secret professionnel et confidentialité dans les professions juridiques et judiciaires – Gazette du Palais, 12 août 1997
5. Villey : Histoire du secret médical – Ed. Seghers Paris 1986
6. René : Rapport de la Commission de réflexion sur le secret professionnel appliqué aux acteurs du système de soins. Doc. A diffusion restreinte avec annexes, Mars 1994
7. Ordre National des Médecins : Commentaires du code de déontologie médicale, Paris 1996
8. Floriot et R. Combaldieu – Le secret professionnel – Ed. Flammarion Paris 1973b 9. Hoerni et M. Bénézech : Le secret médical – confidentialité et discrétion en médecine. Ed. Masson Paris 1996